Comment dire le chaos, l’effroi des tranchées, le carnage de la guerre industrielle, le sacrifice des existences avalées durant la Première Guerre mondiale, des vies meurtries et stupéfiées, pendant et après ? Au fort du Vert-Galant de Wambrechies, plus évocateur que jamais, les artistes réunis dans l’exposition internationale anniversaire du conflit, ont choisi des formes ravageuses.
À mille degrés, le Lillois Jean Delobaux a cuit des gueules cassées bleu horizon et rouge cicatrice, des faces ravagées qui se dévoilent au second regard, tout au long de la visite du fort. Un coup de poing géant à l’estomac. Il a aussi fait fondre à l’échelle industrielle des soldats jouets, dont les corps se dissolvent dans la boue et le sang. Dans le même ordre d’idée, Philippe Haroche ne conserve des corps que leurs clignements dans une déflagration lumineuse. Le Bosniaque Fouad Kapidzic entasse des visages nez en l’air, en un gigotant ossuaire. Et la Belge Virginie Stricane dépose le Dormeur du Val au creux d’une mappemonde scarifiée…
La traduction du chaos est un peu moins littérale ou habituelle chez certains artistes africains. Rafiy Okefolahan fait souffler des tempêtes colorées et abstraites, où les corps ont quasiment disparu. Sanson Gahouri ose la distance de la gueule cassée composée de pimpants objets de récupération. Cette expression du chaos prend le biais subtil de boyaux géométriques et charnels chez José Manuel Massano, qui place aussi dans la lumière l’ultime lettre d’un Poilu, fiévreusement écrite sous la mitraille du front.
Intitulée « Du chaos à la paix », l’exposition wambrecitaine réserve, de fait, en ce centenaire, peu de place à la sérénité retrouvée. Les colombes de Maniasuki s’arrachent à la nuit et seules les reproductions d’œuvres cinétiques de l’Argentin Antonio Asis offrent le regain d’une vibrante énergie.
Jusqu’au 12 octobre, les vendredi, samedi et dimanche de 14 h à 19 h, au fort du Vert-Galant à Wambrechies. 3 € ; gratuit pour les moins de 18 ans. 06 67 72 38 08.